Pardonnez-moi de commencer par quelques chiffres mais ils sont éloquents. Le Plan Local d’Urbanisme (PLU) impartit à notre ville un objectif annuel de construction de 28  nouveaux logements. Le Programme Local de l’Habitat (PLH) de la communauté d’agglomération Grand Paris Seine Ouest (GPSO), qui regroupe huit communes (Boulogne-Billancourt, Chaville, Issy-les Moulineaux, Meudon, Sèvres, Vanves, Marnes-La Coquette, Ville-d’Avray) soit 310 000 habitants, ne dit pas autre chose : il projette la réalisation de 2013 à 2018 de 1800 logements nouveaux dont 168 à Ville d’Avray,  soit 300 par an  pour tout GPSO, dont 28 dans notre ville.

Les permis de construire accordés à ce jour par Denis Badré, en moins de deux ans, correspondent à la construction de 306 logements, soit  plus que l’objectif annuel imparti à l’ensemble des huit communes de GPSO réunies ! Vous avez dit bétonnage ? Record pulvérisé.

 Si vous en parlez à nos édiles, que vous répondent-ils ?

 Il faut bien loger les gens : certes, mais où est la demande ? Il y a beaucoup de logements vides en souffrance d’acquéreurs à Ville-d’Avray… Du reste, l’idée d’une pénurie de logements en France, complaisamment entretenue par ceux qui y voient leur intérêt, est fausse : la fondation Abbé Pierre chiffre à 800 000 le nombre des personnes « aux portes du logement ». Ce chiffre est la somme des 100 000 personnes sans domicile, des 150 000 personnes hébergées dans le cadre de dispositifs collectifs, des 150 000 à 300 000 personnes contraintes à un hébergement chez des proches, et enfin des 300 000 personnes vivant dans des conditions atypiques. Le chiffre de la fondation Abbé Pierre ne signifie pas ainsi qu’il manque 800 000 logements ! Il montre qu’il existe en France 800 000 personnes qui ne peuvent pas accéder financièrement à un logement, ce qui est tout à fait différent.

 Il faut construire des logements sociaux pour respecter la loi qui impose un taux de 25% de logements sociaux par rapport à l’ensemble du parc alors que Ville d’Avray n’en possède que 11% et risque des pénalités financières qui viendront alourdir vos impôts : certes mais c’est sans aucun rapport avec le sujet ! Construire des immeubles neufs augmente le parc et donc la base de calcul mais n’améliore en rien le pourcentage atteint par la commune.[1]

 Il faut redynamiser notre ville : ma foi, nous sommes nombreux à considérer que Ville-d’Avray n’est pas assoupie, que nous nous y sommes installés précisément à cause de son caractère champêtre et provincial à moins d’une demi-heure de la capitale, et à ne pas souhaiter qu’elle devienne une ville bruissante et industrieuse comme Issy-les-Moulineaux… Pourquoi, par exemple, vouloir doubler la surface commerciale comme le prévoit l’extravagant et pharaonique projet Gecina actuellement déféré devant la justice pour quinze motifs sérieux ?

 Il faut « densifier » : « La densification urbaine » est un concept fleurant bon la langue de bois, qui consiste à dire que l’on va faire vivre davantage de population sur un même espace urbain. Ses défenseurs arguent que ses avantages seraient multiples : moins de temps perdu dans les transports, moins de pression sur l’environnement, renforcement des liens sociaux, économies d’énergie, densification des services de proximité, et qu’aussi bien elle est voulue par la loi ALUR. Mais ils omettent de rappeler que la densification a pour pendant la désertification en d’autres lieux, qu’elle nuit à l’intimité et donc à la qualité de la vie ainsi qu’à la santé des habitants exposés à une massification excessive et que les gains sont plutôt d’ordre financier (lois de dégrèvement fiscal, expansion des grands promoteurs immobiliers) qu’écologique. Et surtout nos édiles se gardent bien d’observer que le concept est particulièrement incongru dans une commune atypique comme Ville-d’Avray, dont les deux-tiers du territoire sont inconstructibles et dont les principaux axes  : rue de Saint-Cloud, rue de Versailles, et rue de la Ronce sont déjà, matin et soir, saturés.

On n’y peut rien, le marché immobilier est libre, c’est la loi de l’offre et de la demande : quelle hypocrisie ! Le marché est certes libre mais il existe des lois et des règlements pour le réguler et en tempérer les excès. Et le principal texte qui régit aujourd’hui l’urbanisme de de Ville-d’Avray c’est le PLU que notre maire, Denis Badré, a fait adopter en 2013, en remplacement de l’ancien Plan d’Occupation des Sols (POS) qui jusque là protégeait notre commune de l’invasion du béton. Cette évolution était certes imposée par la loi et aussi bien le code de l’urbanisme conservait des dispositions permettant de limiter la densification urbaine et d’encadrer le « gabarit » des constructions en leur imposant des paramètres particuliers tels que :

  • une distance de recul depuis les limites séparatives ou depuis l’alignement ;
  • une hauteur maximale du sol à l’égout du toit ou du sol au faîtage ;
  • un Coefficient d’Emprise au Sol (CES)  maximal.

Alors que s’est-il passé à Ville d’Avray ? Ces paramètres étaient raisonnables dans l’ancien POS ; mais dans un PLU fort permissif, quoi qu’en disent nos élu-es ils sont devenus des outils de densification, qui font flamber la valeur du foncier et aiguisent les appétits des promoteurs, auxquels ils offrent des perspectives d’opérations immobilières si profitables qu’elles justifient des propositions d’achat mirobolantes aux propriétaires de grandes demeures voire de simples pavillons, avec une petite parcelle attenante.  Qu’on en juge : le long des rues de Sèvres et de Marnes, il est désormais possible de construire quasiment en bordure de voie ; dans la partie nord est de la ville, comprise entre la rue de Sèvres et la Rivière anglaise, le coefficient d’emprise au sol a été porté au niveau exceptionnellement élevé de 70 % : adieu jardins et arbres à longues tiges, voici venu le temps des « végétalisations » artificielles. Et de fait,  de nombreux propriétaires, et souvent les plus âgés d’entre eux, sont harcelés par des démarcheurs. Certains ont fini par céder et comment leur en vouloir devant le pactole qui leur a été proposé ? Leurs voisins céderont peut-être à leur tour, le jour où ils verront s’élever devant leur fenêtres un mur de béton d’une dizaine de mètres de haut : comment ne pas les comprendre ? Et notre petite commune se bétonnera rapidement par effet domino…

Dagoverana rassemble des gens responsables qui ne refusent pas toute évolution de leur petite commune, pourvu que cette évolution soit maîtrisée et concertée avec un maire qui les écoute, qui accepte enfin le débat, qui se montre disposé à revenir sur certains choix quand ils ont été malheureux et donc à revoir le PLU pour le rendre plus protecteur et raisonnable. Le devoir d’un maire n’est-il pas de défendre sa commune et de se tenir à l’écoute des souhaits et des préoccupations de celles et ceux dont il tient son mandat ?

 

 

[1] En outre, nos bons édiles omettent de dire que pour les communes qui n’auraient pas atteint leurs objectifs  définis par la loi, le préfet conserve sa capacité d’apprécier les difficultés qu’elles ont rencontrées avant de majorer leur prélèvement. Le législateur a également prévu des conditions d’exemption lorsque le besoin en logement n’est pas avéré compte tenu de la décroissance démographique de la commune ou lorsqu’elle est soumise sur plus de la moitié de son territoire urbanisé à une inconstructibilité résultant d’une servitude de protection.